Fils de toi-même
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C'est frénésie de sans cesse hiérarchiser
Tout maquiller de différences
Pour ne pas s'abîmer, se mélanger
De consonances, de ressemblances
Par peur d'y laisser... son originalité
Nous ne sommes pourtant qu'équivalence
Des yeux, une bouche et de quoi digérer
Les incessants mouvements de matière
Mémoire infuse de l'équilibre dans l'univers
Qui es-tu-je ?
Différents et cependant tous similaires
Façonnés de matière, nourris de lumière
Mais le mental n'a cure de cette factualité
Ma foi, il faut bien ratifier nos singularités
C'est ainsi que nos logiciels sont configurés
Tous petits déjà à nomenclaturer
À chosifier le palpable dans sa diversité
Pour en évaluer les bienfaits, les méfaits
Pour assurer coûte que coûte notre survie
Faut dire qu'on a bien morflé par le passé
Face aux adversités, programmés à résister
Se prolonger par descendance interposée
Rescapés ! Pour encore s'adapter, évoluer
C'est ainsi que la vie est configurée, mon ami
Nous avons tant lutté pour arriver jusqu'ici
Et on se pratique depuis tant d'années
Sertis que nous sommes d'identité
Embrigadés de nous-même, caparaçonnés
Qui sommes-nous-je ?
Comment plier devant l'évidence de l'unité
De la conscience éclaboussant tout le vivant
C'est pourtant flagrant, c'est moi ou bien ?
Aveuglés que nous sommes par le quotidien
Et la peur panique de perdre notre identité
Une vie, c'est petit pour épouser l'absoluité
Du mystère. Mourir ! Enfin, quelle absurdité
L'éveil est pourtant à ce prix de détachement
Se désamarrer du moi jusqu'effondrement
De ce qui fait notre auguste primauté
La nécessaire abolition de la distanciation
Pour embrasser la face sacrée de la création
À hauteur de ce qui est permis d'enlacer
Selon les capacités de chacun à s'oublier
Il existe un autre monde par delà la réalité
Comment pourrions-nous faire abstraction
De cette originalité qui nous indidualise ?
Je sais, pas facile d'abdiquer sa royauté
Spécimen singulier quoiqu'ejusdem farinae*
D'une humanité aveuglée que tout divise
Ecartelée entre animalité et divinité
Espèce arrachée au joug béni de la création
Affectée d'une conscience suraiguë
Privée des délices de l'innocence, déchue...
Faute d'avoir croqué le fruit de l'intelligence
...Du paradis terrestre. Tu saisis la pénitence
La damnation, le joyau ? La dite malédiction
Plutôt que côtoyer l'Olympe de l'excellence
Couronné du privilège de la connaissance
La voilà encanaillée en terre de vanités
À se rassasier de becquées de frivolité
À s'attribuer les ors de ses jouissances
Oublieuse qu'elle est, depuis germination
De l'origine divine de ses primes laitances
Des premières amibes au bain des atomes
Jusqu'à présence lucide au cœur du plérôme
Las, il suffit de regarder l'ordre des choses
Comme le vivant s'épanouit en symbiose
Nous, propulsés en un temple de perfection
Libres ! Ultime échelon de l'évolution ?
Embrigadés dans un organisme éphémère
La tête dans les étoiles, les pieds en enfer
Faute de voir en nos fatales temporalités
L'absolue paternité d'une transcendance
À l'origine de nos orgueilleuses existences
* Ejusdem farinae : qui présente les mêmes défauts.
Jean-Luc Levesque
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