Liberté
La liberté guidant le peuple, 28 juillet 1830, Eugène Delacroix |
Détricoter
L'entrelacs des connaissances
Désapprendre
Tu vois où le savoir nous conduit
S'écheveler de la couronne de l'égo
Qui contamine, épine par épine
Le cerveau qui se ratatine
N'apprend plus de la lumière
On croit tout savoir, avoir tout vu
On finit par ne plus rien voir, vouloir savoir
Prison dorée de nos accointances
La curiosité ou l'asphyxie de l'esprit !
Se perdre et s'oublier
Les sens en éveil pour atteindre
L’inextinguible étoile
Qui illumine le cœur
De tous les chercheurs
Les rêveurs
Ne jamais se scléroser de vérité
On fait secret des sagesses
Hissées au rang de dieux, de déesses
On ne voit pas plus profond que la matière
Le miracle de la lumière
La quantique mystique, l'intrication
T'as vu pour quoi tapinent les religions
Quelle universalité ?
Anthropomorphismes en communion
Mon Dieu, qui êtes si mystérieux !
T'as vu pour qui tapine la science
Le progrès partagé par tous ?
Putain de pouvoir !
On se sert des savoirs comme d'un flingue
Plus t'en maîtrises, mieux tu sévis
Tous ces mots savants qui nous cernent
Nous classifient
Il faut bien signifier la différence
Trop de ressemblance
Pourrait nuire à nos cohérences
Nous pourrions disparaître, oh !
Absoluité de l'individualité
Et les milliards d'endoctrinés d'acquiescer
Moi Je !
Ils ne savent pas ce qu'ils font, sont
Agglutinés sur ce globe démoli
Petite terre délétère, salie
Tous en quête d'un paradis
Étréci à la braise qui nous baise
L'oseille, la fraîche oseille qui te différencie !
Hume donc ce craquant, manant !
Et toi qui souscris
Plus t'en sais, mieux tu sévis
Oui, je l'ai déjà dit...
Souris devant le trouble embrouillé
Des difficultueux
La carte bancaire ou la modernité guerrière
Pourquoi une telle obédience ?
C'est parce que les gens sont gentils
Ils n'ont guère d'autre prière que la paix
Et le cours limpide des jours
Quoi d'autre ?
Un toit contre le vent froid
De quoi manger, abreuver leur couvée
De temps en temps, on révolte
On jaunit, faute de munitions
Ça ajoute à la carence
Ça soustrait de la prévenance
Il faut se diminuer de bienveillance
Faire tapis de fraternité
S'alambiquer de férocité
Et chacun de se positionner
Pour ou contre ?
Qu'importe, on s'extrait de la masse
On tache de faire profit de la mélasse
On creuse sa tombe au soleil
Victoire ! On bombe le torse
J'ai gratté quelques miettes !
On oublie qu'il faudra revenir
Rejouer tout ce qu'on triché
Jusqu'à total effacement
Jusqu'entière transparence
Inconditionnel amour
Toutes particules d'âmes confondues
Pour un mariage en apothéose
Unis vers l'uni*
Vers quoi ?
Tu vois de quoi je veux parler !
C'est de là que tu viens, coquin...
Tu te souviens ou bien ?
J'oubliais, on vient de rien et on y revient
Quelle imposture que cette aventure !
Tragique ou comique ?
*
J'ai toujours un billet dans ma poche
Pour les démunis
C'est moi qui remercie...
La prévenance à deux balles
Les yeux obligés des nécessiteux
Relève-le, merde, plutôt que d'appuyer !
Tu t'en remets à Dieu
Tu es à peine debout
Agenouillé face à toi-même
C'est qui le plus fervent ?
L'histoire tel un crachoir
Pour s'essuyer du crime des cimes
Ne pas faire réparation
Du servage, de l'esclavage
Comme c'est dommage
Pillages collatéraux
Ataviques indifférences
États voyous et banques itou
Real politique avant tout
Concupiscences chroniques !
C'est à qui ces ors, cette débauche de butins ?
Ouah, tu as vu comme ça brille !
On a séparé le beau du bien
Pour en faire de l'esthétique
Ça se vend mieux en boutique
L'art, instrument de culture subversif ?
Le bel objet de différenciation massif
"Met-m'en pour cent mille !"
Le vainqueur écrit l'histoire
Statues à son auguste effigie
Avatars en vigie pour l'éternité
Pense-t-il
... Et le boudoir de son prétoire...
Il s'approprie le profit et fructifie
Nous-là, aujourd'hui, ébahis :
"Ouah, c'est à toi, tout ça ?
Oui, je sais, ça te vient de ta famille
Tu n'as pas choisi"
L'élite a fait prospérité
Et la religion a relié
Business is business
La conscience en silence, tranquille...
Combien de bateaux affrétés ?
De fortune amassée
Je t'en mets pour combien ?
Tu as saisis le deal ?
Étrange espèce humaine
Entre cécités et éblouissements sélectifs
On s'invente de nouveaux héros
La rage d'envie au cœur
Le Messi Ronaldo
Miracle de la modernité
Pendant que les rêves des gueux
Eux, virent au cauchemar
Tu ne veux pas voir la réalité
Faudrait que tu cours plus vite
Tu ne gagneras pas au loto, Coco !
Un pour tous, tous pour un !
Avoue que tu y as cru...
Si tu gagnes, tu partages ?
Révolution, combien de sacrifiés ?
Amour, gloire et beauté, quelle évolution ?
Toutes les belles couleurs pour désinfecter
Les drapeaux jonchés de cadavres exquis
Je continue ou bien...
Tu poursuis ?
Toi, lucide, au beau milieu de la crypte
La bouche du tombeau ouverte
Et personne pour sonder l'abîme
Aucun de ces braves n'est jamais revenu
Dans une autre vie alors ?
Mais je sors du décor...
Aurais-tu eu les couilles ?
Succombé à la trouille ?
Qui sait ce qu'il ferait
Face à son propre décès
Courage, fuyons !
Finalement
Abdiquer sa légende personnelle
Celles des siècles y compris
Quel Victor
Hugo ou Schœlcher ?
L'Afrique, sans mémoire
L'histoire, toujours l'histoire...
Cette mystification de la mémoire
Qui penche toujours vers le pouvoir
Histoire de continuer de s'approprier
Combien d'histoires
Pour n'en retenir qu'une à la Une ?
T'as compris ?
Désapprendre !
Et plonger en Liberté !
Léger de savoirs délestés
Amène ta carcasse nue, mon frère
Debout face au soleil
Oublie ton corps de souffrance
Fais ce grand pas vers l'Un connu
* Michel Jonasz (1985)
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