Ensemble
On ne mesure jamais assez le bonheur d’être ensemble.
C’est peut-être parce que nous n’avons jamais éprouvé la solitude, la vraie. Celle qui nous cloue sur la croix de l’instant et nous étreint de son austérité silencieuse et glaciale, pour nous rejeter, tel un dieu déchu d’altérité, dans un impeccable abandon, retranché pour l’éternité en une immuable réclusion avec nous-mêmes.
C’est comme un froid perpétuel qui vient creuser dans nos ventres un précipice insondable au bord duquel nous sommes pris d’un vertige sidéral. Je pense souvent aux êtres chers partis seuls dans la nuit des temps et j’ose à peine imaginer l’océan de désespoir qui a présidé à leur départ. Certains ont même choisi les griffes tranchantes de la mort face au vide absolu de la vie. Seuls, absolument seuls, irrémédiablement seuls jusqu’à mettre fin au lancinant supplice de leur agonie pour choisir la mort comme unique délivrance.
C’est peut-être là qu’ils vont finalement se retrouver, dans un vide ouaté d’un amour infini, celui qu’aveugles, ils ont fui, celui-là même qui présidait à la création et que Dieu lui-même n’a pu endurer, déchaînant, au crépuscule de son martyr de perfection, les conditions d’une mortelle altérité en permanente résurrection, la vie ! à moins que, dans un éclair de lucidité, ils n’aient choisi de renoncer à l’illusion, de se soustraire au mensonge de l’individualité et de quitter cette glaçante séparation.
Quand tu as éprouvé ce précipice qui révèle l'absurdité de ton existence, la seule perspective d’une présence à venir devient alors une source de chaleur
qui réchauffe les moindres plis de ton cerveau consommé. Et alors que le soleil
se met à illuminer tes mornes pensées, tu te mets à rêver de frivolité, de futilité, comme le simple fait de se retrouver pour échanger quelques insignifiances et autres banalités.
On ne mesure jamais assez le bonheur d’être ensemble.
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