S'envoler
© Sebastiano Cartomante |
C'est peu dire que nous perdons chaque jour
Un jour à vivre, un peu de temps pour rire
Quelque occasion de palpiter, de frémir
Il en faut du courage et de l'insouciance
Pour chanter le bonheur devant l'échéance
De nos vies, malgré ce corps devenu lourd
Penchant vers la terre, encore et toujours
Et les ans s'entassant jusqu'à crue certitude
Prélude de cette mort qui, au lit des trépas
Sourire après sourire, soupir après soupir
Se rit de nos rides à nu et pas après pas
Engloutit nos illusions d'infinie jeunesse
Il faut avouer que jusqu'hier, en liesse
Nous nagions parmi les eaux d'éternité
Portés par le torrent survolté des années
Bouillonnantes, nous ne savions pas la hâte
Avec lequel l'amer s'empare de nos prostates
Et nous rend impuissants devant l'évidence
Nous avons vieilli, voilà l'épaisse vérité
L'étonnante vérité, comme surpris, ébahis
Par tant de précipitation, nous voici ahuris
On nous l'avait pourtant maintes fois dit
Ne traîne pas en route, petit, la vie est brève
Ne perds pas ton temps avec ces billevesées
Rêves de grandeur et autres vanités
C'est de la brise pour les moussaillons
Ce ne sont pas des alizés pour ta prétention
Abîme-toi parmi les flots de la passion, petit
Quitte à t'y noyer jusqu'à la fin de tes nuits
Arrime-toi aux dragons fous de l'amour
Ils te conduiront jusqu'à totale épuration
Une fois brûlées toutes tes protections
Vers l'être qui se cache sous ta carnation
Il ne te restera plus qu'à porter la mission
De celui qui a accompli sa métamorphose
T'habiller, petit, des dorures de la délicatesse
T'apprêter de la noblesse de la gentillesse
L'osmose des âges comme seul maquillage
Et tamiser la moisson de ton expérience
Pour en partager l'art en toute bienséance
Tel un rêveur qui a produit sa fleur
Puis t'envoler, telle l'écume au vent marin
Léger comme la brume au petit matin
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