Le mal
© Roger Ballen |
Il doit être congénital le mal
Pour être si banal, si normal
Ce doit être une manie, une maladie
Dont nous serions frappés
Par mimétisme, par symétrie
Le mal est un mystère
Sitôt qu'un congénère le génère
En guère plus d'un éclair
Nous voilà devenus venimeux
Vipères, à obéir au réflexe grégaire
A céder à la violence ordinaire
Jusqu'à reproduire la folie meurtrière
Mordre pour tordre le pervers haineux
L'enfiellé qui a brisé la paix si précaire
Quand un affreux sème la haine
Se croyant le plus teigneux des hargneux
J'ai envie de faire goûter à la lavette
Le tranchant effilé de la machette
Qui va trancher en deux sa face de scélérat
Pour qu'il se perde, la misérable crevure
Dans un magnifique flot d'éclaboussures
Non, le mal n'est pas si loin, vraiment
Là, juste là, à peine dissimulé
Lave visqueuse et ensorcelante, patientant
Tout près de la gueule du volcan
Pour déverser l'énormité de sa cruauté
Au visage de la pureté immaculée
Souillée par le morbide de nos pensées
Le sordide de nos idées putrides
On dit que le mal vient de l'animal en nous,
De tous les maux, de tous les péchés
Non, l'animal ne prémédite, ni n'anticipe
Absolument rien de ce qu'il devient
Entièrement libre du temps de l'histoire
Contrairement à nous, pauvres poires
Mortels parmi des milliards de vivants
À nous croire éminemment importants
Une humanité horriblement perfectible
Gouvernée par une psyché si prévisible
C'est ainsi que nous sommes constitués
L'homme est un humanimal inachevé
En proie aux folies d'un cerveau aliéné
Capable du meilleur comme de l'horrible
Tant qu'il n'a pas éclairé de conscience
Toutes les zones d'ombre de sa démence
Et abdiqué, abdiqué face à l'indicible :
Nous sommes des doudous monstrueux
Partagés ente amour et haine, ballottés
Entre rêves de grandeur et désirs contrariés
Hypnotisés par un mental qui nous ment
Monumentalement, épouvantablement
Laissé seul à la salle de commandement
À piloter cet instrument redoutable
Que l'intelligence livrée à elle-même
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