Mon froc
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Mon pantalon est devenu trop grand
Ça fait tellement longtemps maintenant
Que je le trimbale, par marées et vents
Que je maltraite ce sacré culbutant
Qu'il essuie les bancs, supporte mon séant
Il prend le vent par tous ses trous béants
Il me file le train, complaisant et aimant
Caressant comme un doudou s'effilochant
C'est fou comme on s'attache aux vieilleries
Ce n'est qu'un pauvre bout de tissu défraîchi
Une loque, une serpillière, un débris
Il tient debout tout seul, le falzar pourri
Mais j'y tiens comme à mes premiers skis
Remisés dans le débarras de mon gourbi
Bon, il y a une paille qu'ils n'ont pas servi
Moi non plus du reste, j'ai déjà bien fourni
Glisser encore, replonger dans les ennuis
Las, je n'ai plus le goût des compromis
J'aime trop grand pour m'enfermer ici
Dans ton corps là, "et avec ton esprit"
J'ai fait le tour de ta chair, ma chérie
De ton incarnation, de ton anatomie
C'est toi toute entière qui m'inspire l'envie
Dorénavant, en mélodie, en poésie
Mon froc est d'accord, il acquiesce et souscrit
Il ne me contredit jamais, le futal chéri
Ces derniers temps, il s'est bigrement avachi
Il est devenu lâche de l'arrière-train
Je vous l'avoue, il n'y est pour rien
C'est mon popotin qui s'est fait plus petit
Qui s'est recroquevillé, ratatiné, qui a rétréci
Bref, c'est moi qui ai pris un fichu coup de flétri
Je vais le jeter, en prendre un tout neuf
Un tout dodu, un tout potelé, tout joufflu
Tant pis pour mon blue-jean devenu veuf
Je vais redevenir un mignon poupon tout nu
Un angelot aux cuissots bien charnus
Il faudra assurément un certain temps
Avant que je ne puisse enfiler un grimpant
Et balader crânement ce nouveau culbutant
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire
Je ne peux m'empêcher de faire l'inventaire
De toutes ces années passées à espérer
Une plénitude qui ne cesse de se différer
À un lendemain qui fuit avec joyeuseté
C'est quand, copain, la légèreté, la sérénité
Je ne demande pas l'extase, juste l'harmonie
Et mon froc de susurrer, c'est aujourd'hui
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