Mélancolie
Moon Eclipse sculpture, Mike Fields |
Tu la sens monter la mélancolie
Qui s'insinue petit à petit
Dans tous les recoins de ton ennui
Cette lèpre qui t'englue dans la griserie
Cette maladie qui crie l'absurdité de la vie
Et pourrit le monde de couleurs vieillies
Même la lumière paraît lugubre, ternie
Même les filles ne sont plus jolies
On dirait qu'un voile s'est posé sur Paris
Putain, ça y est, voilà que c'est reparti
La navigation au crépuscule, à la bougie
On dit la bougie présence de l'esprit
Mon cul, elle ne fait danser que les furies
Dans ma tête défraîchie, là, sous la pluie
Hostile, qui tape mon front dégarni
Oui, c'est que le temps passe, mon ami
Le temps ne fait pas de chichi, lui
Il dévore tout, l'ogre, avec appétit
Même les petits enfants chéris
Même les soleils, même les infinis
C'est une maladie de ne voir que le gris
Partout où ton cafard pose ses yeux rougis
Une saloperie qui te cloue au pilori
Une atrocité, une indignité, une infamie
Tu ne vois plus les âmes en énergie
Tu ne vois que des corps dans la bouillie
Des pantins, des bouffons, des toupies
Qui vont, qui vrillent dans les intempéries
C'est une maladie de penser qu'aujourd'hui
Ne peux plus rien pour ta cause défraîchie
Hier est passé, hier s'est évanoui
Madeleine ne reviendra pas, c'est cuit
Tous tes souvenirs ont péri
Tous tes ressentis, disloqués, meurtris
Tout a disparu, tout est englouti
Son visage, ses éclats de rire, anéantis
Heureusement, la vieillerie finit elle aussi
Heureusement, elle ne dure pas ainsi
À pleurer les souvenirs avachis
Seul, comme un vieux débris affaibli
Désaffecté, abruti d'agonie sur son lit
Le nez dans l'encyclopédie des nostalgies
À réinvestir les lieux d'un amour étourdi
Heureusement, la vie, elle aussi, se finit
Maudits que nous sommes d'avoir compris
Maudits sommes-nous d'avoir trop compris
L'absolue connerie de cette épiphanie
Telle une vie embrassée qui sitôt s'évanouit
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