Le voyage

© Gabrielle Pacheco


Si je m'écoutais parfois, je me quitterais
Je me laisserais tout seul sur le quai
Je partirais pour un voyage extrême
Je m'ennuie tellement avec moi-même
C'est terrifiant, je me fais tellement chier
Ma propre compagnie arrive à m'exaspérer
C'est dingue, je me donnerais bien congé
Pour voir là-bas si j'y suis, voir de l'autre côté
Je connais par cœur, c'est à désespérer
Toutes les facettes de mon auguste sommité
Je me fatigue, me désoblige, je me fais suer
Que faire de tout ce temps qu'il me reste à tuer
J'ai déjà fait le tour de la question mille fois
C'est long toute une vie à passer avec soi
Même si on s'aime, même si on s'apprécie
Et puis que je sois là-bas ou bien ici même,
C'est moi, je le sais, le seul et unique problème
Alors quand je sens venir la mélancolie
Moi qui me pratique depuis des décennies
Je décide de m'oublier, c'est le médicament
Le seul remède que j'ai trouvé contre l'ennui
Je m'oublie, je pars vers un ailleurs promis
Je quitte ces rivages parcourus de long en large
Ces chemins de traverse, ces las paysages
Je fuis les visages pour des contrées sauvages
Je fuis la nostalgie pour de nouveaux espoirs
Même si l'adieu suprême des mouchoirs*
Ne laisse entrevoir aucune échappatoire
Je me quitte, quoiqu'il arrive, je me délivre
Voilà le soir, une journée de moins à vivre
Fuir ! Je sens que là-bas, les oiseaux sont ivres*

* "Brise Marine" Stéphane Mallarmé, 1865

Jean-Luc Levesque 

 
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